Félix Leclerc Félix Leclerc

Présence

Tu dis que le traîneau de nos amours est dans la courJe regarde dehors et ne vois que la mortTu dis qu'au grand galop notre cheval est revenuDes bergers qui l'ont vu l'ont ramené de malNi cheval, ni traîneau dehors, ni foulard sur la neigePourquoi troubler mon pauvre corps avec tes sortilèges ?Tu dis que le gazon dessous la glace est resté vertJe creuse à cette place ce n'est que foin amerTu dis que la chaloupe, la nuit, fait des chansonsLa chaloupe est au fond, chez les noyés, ma miePeut-être que les feux de bûches et notre maisonblanchePeut-être que le miel, la huche étaient de faux dimanchesTu t'obstines à trouver que les rosiers n'ont pas changéL'hiver les a brisés, l'hiver les a gelésComme la feuille rouge que le vent a emportée.Les fées s'en sont allées sur un nuage blancTu me dis que rien n'est fini et que tout recommenceQue le mois d'août est sur le lit entouré de silencesSi je vois le printemps venir derrière mes rideauxJe croirai ton traîneau, ton cheval et ta merSi les sources ramènent les grenouilles dans l'étangJe prendrai deux quenouilles et ferai un sermentLe serment de l'aimer toujours malgré les poudreriesLe serment de croire en ce jour qu'ils soient d'or ou de grisTu apportes dans mon grenier le rêve qu'il me fautComme la douce sève qui nourrit l'arbrisseauSi jamais tu t'en vas, ma mieJe m'en irai aussi